héroïsme familial

L’enfer est pavé de bonnes intentions,

Chapitre 2 :

Comment l’héroïsme de nos ancêtres nous a rendu alcooliques, mon mari et moi.

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des ancêtres héroïques, nous, si !

Mon arrière grand- père était médaillé de la Grande Guerre, celle de 1914-1918, pourquoi Grande ?

Quelle est la nuance entre petite, moyenne, grande pour qualifier une guerre ?

Est-elle fondée sur le nombre de morts, le nombre d’armes utilisées, la barbarie, la légitimité, la cruauté, la longueur, (la largeur), le nombre de pays concernés, je l’ignore…

Ce que j’ignore aussi, ce sont les faits d’armes qui lui ont permis d’obtenir ses médailles !

Outre le fait d’être revenu vivant, c’était déjà exceptionnel par rapport à tous ceux qui se sont  inscrits en lettres dorées sur les monuments aux morts…

Peut-être que cela suffisait pour obtenir une médaille, je n’ai jamais eu les détails et pour cause…je n’ai jamais pu lui demander…

Ensuite, mon cher arrière grand-père a fait fortune dans le commerce des fourrures, mais arriva la deuxième Guerre Mondiale en 1939-1945.

Cette génération n’a décidément pas de chance !

Et là, manque total de clairvoyance de ma famille, car elle se met à accumuler les bévues en cette période sans humour.

En effet, être riche, d’origine juive même lointaine, et résistant dans les renseignements en plein hiver –printemps 1941 à Paris intra-muros, avouez que ce n’est pas malin.

Çà n’a pas loupé,  ils sont tous été dénoncés par le concierge, le sosie de Ramirez (excellemment joué par Gérard Jugnot) dans le film « papy fait de la résistance ».

 (Je sais, çà vous change des films d’horreur dont je vous farcis la tête)

Voilà tout le monde embarqué pour la rafle du Vel D’Hiv (la vraie, pas pour le tournage du film)  par la gendarmerie française et là, ils ont dû être très performants en vélocar ils ont été sélectionnés tout de suite, dans les premiers, pour la grande course nazie au génocide (une broutille pour certains, tant pis).

Une petite partie de ma famille (3 personnes) (sinon je ne serais  pas là) a été séquestrée par des voisins, des mauvais français à ce moment précis de l’histoire, mais désormais des héros pour l’éternité.

Comme quoi des fois, on ne prend pas toujours la décision qu’on voudrait nous faire prendre, çà s’appelle la conscience.

Cette petite partie de ma famille a survécu en pédalant elle aussi,  mais dans l’autre sens, direction la zone libre dite « no-no » (non-occupée) et ce,

sans produits dopants, une performance à l’époque.

Depuis le gouvernement français s’est excusé officiellement dès la fin des années 50 et ma famille a été indemnisée dans les premières :

« Veuillez recevoir ce montant en reconnaissance de notre extrême gratitude pour l’héroïsme de vos ascendants lors de la Grande Guerre et que nous avons malmenés lors de la seconde Guerre etc....

_ De rien, merci beaucoup, vous êtes trop aimable, tout le monde peut se tromper,

 « L’erreur est humaine »,

Vous savez,

 Surtout quand elle est inhumaine. »

Le pape lui aussi s’est excusé, mais bien plus tard, faut dire qu’il était vieux et probablement atteint par la sénilité, donc pardonnable.

Mon père aussi s’est retrouvé en guerre, cette fois-ci en Algérie.

Il fait partie des anciens combattants pensionnés.

Je lui fais remarquer avec perfidie qu’il n’a rien gagné mais tout perdu en Algérie et par conséquent, je ne voyais pas pourquoi il serait rémunéré pour çà.

Actuellement, dans une entreprise, ce serait plutôt un licenciement pour faute grave par manque de résultats et ce, sans indemnités compensatrices.

Mais mon père, ce héros, m’a rétorqué qu’il avait passé 24 mois et 24 jours en pleine fleur de l’âge, terrassé par la chaleur dans un pays désertique et tout ce qu’il avait gagné:

c’était une dysenterie !

O tempora ! O mores ! : Oh temps, oh mœurs …

Aujourd’hui, c’est nous qui payons les tour-opérateurs  pour partir dans les pays chauds.

Le grand-père de mon mari était lui aussi dans la résistance mais côté SNCF, version sabotage… un héros, lui aussi parce que saboter un TGV, c’est facile, çà arrive tous les jours ou presque pasque les autres jours, ils tombent en panne tout seul.

Mais saboter les trains à vapeur de l’époque, c’était autre chose de plus solide, fallait des gars motivés, d’un tout autre niveau que maintenant !!!

Mon oncle, parti aux States après la Guerre pour faire fortune et tout perdre à Las Vegas, a participé à la libération de Paris avec la 2è DB.

On compte aussi un autre de mes illustres ancêtres dont il ne me reste que  le sabre de Dragon, rescapé du temps où il officiait dans les Dragons gradés.

En résumé, nous sommes invités à participer aux pots et vins d’honneur annuels des cérémonies suivantes :

_ La journée de la déportation

_ La journée des descendants de victimes de génocides

_ Les cérémonies pour les anciens combattants de 14/18

_ Les cérémonies pour les anciens combattants de 39/45

_ Les cérémonies pour les anciens combattants de la guerre d’Algérie.

_ L’Armistice

_ Les descendants  des anciens de la 2è DB

_ Les descendants des anciens résistants de la SNCF

_ Les descendants des anciens résistants des renseignements de 39/45

_ Les anciens du réseau Shelby  (çà c’est parce qu’on a acheté et revendu depuis, une maison qui servait de refuge aux membres résistants du réseau Shelby)

_ Les descendants des anciens algérois (côté mon mari)

_ Les descendants des anciens des Dragons gradés (dégradés depuis…)

_ etc, etc

Et comme nous sommes, mon mari et moi, des gens polis et bien élevés, nous portons un, voire  plusieurs toasts volontiers et systématiquement en l’honneur des valeureux et courageux combattants dont nos illustres ancêtres respectifs ont fait parti (hips)...

Le seul exploit dont mon mari et moi ayons jamais été capables, c’est, à défaut d’égaler le courage de nos ancêtres, d’ avoir un foie à toute épreuve, mais comme on dit dans nos familles :

« A la guerre, comme à la guerre »

Tiens où j’ai posé mon verre ?

Eleonor, tu l’as à la main !!